Action collective des investisseurs face à une escroquerie financière : quel recours ?
Les investisseurs victimes de fraudes financières sont souvent confrontés à des difficultés majeures lorsqu’ils cherchent à obtenir réparation. Pour lutter efficacement contre les escroqueries de grande ampleur, de plus en plus d’investisseurs optent pour une action collective. Ce type de procédure permet de regrouper les efforts et les moyens afin de maximiser les chances de succès. En 2021, un groupe de plus de 110 investisseurs a choisi de lancer une action collective après avoir constaté des retards dans le versement de leurs intérêts. Face à cette situation alarmante, ces investisseurs ont sollicité le cabinet Talon Meillet Associés, spécialiste en procédure pénale pour escroquerie, afin de défendre leurs droits et de faire valoir leurs intérêts devant la justice.
Organisation d’une action collective des investisseurs : un cabinet d’avocats pour mutualiser les coûts
Ce comité avait pour but de fluidifier les échanges avec notre Cabinet d’avocats, et non de représenter en justice les intérêts de tous les investisseurs.
Les investisseurs voulaient mettre en place des procédures multiples et similaires devant le tribunal de commerce de Toulouse, dans le ressort duquel la société dans laquelle ils avaient investi parfois toutes leurs économies, mais recherchaient un Cabinet d’avocats susceptible de mutualiser ses honoraires.
Cette action collective des investisseurs a permis de simplifier les échanges avec le cabinet tout en réduisant les frais.
La source du litige : retards de paiements des intérêts
Les investisseurs se plaignaient de retards dans le versement des intérêts conventionnels, malgré de très nombreuses relances, auxquelles il n’était pas répondu clairement.
L’action de notre Cabinet
La stratégie d’honoraires du cabinet Talon Meillet Associés
Au lieu de solliciter de chacun des investisseurs une somme forfaitaire de 3.000 euros HT, comme il leur était proposé par d’autres cabinets, notre Cabinet a proposé d’estimer le nombre d’heures de diligences à consacrer au traitement de leurs dossiers, multiplié par notre taux horaire, divisé ensuite entre tous les investisseurs, réduisant de près des deux tiers le montant des honoraires que chacun aurait à supporter. En outre, au lieu d’appeler tous les honoraires à l’ouverture du dossier, nous avons décidé d’appeler les honoraires au fur et à mesure des diligences accomplies, pour faciliter la trésorerie de chacun.
Élaboration d’une nouvelle stratégie judiciaire
Après étude des éléments du dossier, notre Cabinet a proposé de changer de stratégie par rapport aux autres avocats sollicités. Plusieurs procédures avaient en effet déjà été engagées et avaient certes été gagnées. Mais on ne peut pas dire qu’elles aient été couronnées de succès, car en se présentant à la banque de la société dont les portes étaient fermées, l’huissier avait trouvé vides ses comptes bancaires.
Expertise transversale : un atout décisif
Nous avons très vite repéré que les documents commerciaux ne répondaient pas aux exigences légales en la matière, notamment concernant les placements financiers. Notre Cabinet étant Conseil de plusieurs CGP (Conseillers en Gestion de Patrimoine) et CIF (Conseillers en Investissements Financiers), il nous a été facile de repérer que la société n’était pas inscrite auprès de l’ORIAS (Organisme chargé du Registre officiel des Intermédiaires en Assurance).
Doivent obligatoirement s’affilier auprès de l’ORIAS, les intermédiaires qui souhaitent distribuer des produits financiers.
La dispense de versement de la TVA était suspicieuse. C’était manifestement un argument pour convaincre les victimes d’investir. Mais cette dispense nous est apparue irrégulière en la matière, d’autant que la société finissait par en réclamer le versement sous peine de perdre tout l’investissement réalisé HT, conséquence qui nous est apparue aussi injustifiée et illicite.
Nous terminions de convaincre nos clients du choix de l’action pénale, en levant un extrait Kbis de la société auprès du Registre du Commerce et des Sociétés, lequel faisait apparaître une inscription du Trésor Public au passif de la société, pour 5 millions d’euros dus au titre de la TVA. Le taux de TVA en la matière étant de 20%, nous évaluions le montant des éventuels détournements à la somme globale de 25 millions d’euros. Ce chiffre concordait avec les 11 millions d’euros que les 110 investisseurs avaient placés, sachant qu’ils estimaient à 400 le nombre potentiel de victimes de ce placement financier.
C’est donc la compétence transversale que notre Cabinet a toujours su développer, qui nous a conduit à conseiller la voie pénale, plutôt que la voie du tribunal de commerce.
Le choix de la procédure : civile ou pénale ?
Dans ce contexte d’action collective investisseurs, le choix de la stratégie est très important dans un dossier comme celui-ci. D’autant plus qu’il existe un adage latin (une electa via …) selon lequel si vous avez exercé votre action devant la juridiction civile ou commerciale, comme d’autres s’y sont prêtés, vous ne pouvez plus déposer plainte au pénal, pour la même affaire.
La victime d’une infraction pénale peut ainsi utiliser la voie civile, souvent plus rapide, ou la voie pénale parfois plus difficile, si n’est pas clairement établie l’intention délictueuse ou frauduleuse de l’auteur de l’infraction supposée. Le choix entre les deux procédures, pénale ou civile, est irrévocable.
Nous avons donc conseillé à nos clients de s’engager dans une procédure pénale. La procédure pénale est plus longue que la procédure civile, parfois plus chère s’il faut consigner une somme d’argent à l’appui d’une plainte avec constitution de partie civile.
La procédure pénale est plus aléatoire que la procédure civile, car il faut que le Parquet financier se mobilise, qu’un Juge d’Instruction instruise, que les commissions rogatoires qu’il peut ordonner établissent les éléments constitutifs de l’infraction, et notamment l’élément intentionnel de son auteur, que les services d’enquête aient le temps de se mobiliser.
Mais l’avantage certain de la procédure pénale dans ce type de dossier où manifestement les fonds semblent avoir été en tout ou partie détournés, est le pouvoir du Juge d’Instruction qui peut ordonner, des saisies pénales sur tous les avoirs, même à l’étranger, sans attendre un jugement de condamnation.
Notre compétence reconnue en matière de voies d’exécution, nous confortait dans notre choix. Certes, l’avocat peut diligenter des saisies, mais uniquement sur les actifs de la société, et encore après avoir obtenu une décision de justice exécutoire, sauf à requérir l’autorisation du Juge de l’Exécution de faire procéder à des saisies conservatoires sur les fonds déposés en banque, ce qu’il n’avait pas lieu de mettre en place, les comptes bancaires étant vides. En outre, les saisies que nous aurions pu diligenter, pouvaient être pratiquées en France mais pas à l’étranger, ou sur d’autres structures commerciales qui auraient pu bénéficier des fonds considérés comme détournés.
L’avocat doit savoir reconnaitre la limite de ses pouvoirs en matière de voies d’exécution. Surtout, les pouvoirs du Juge d’Instruction permettent d’agir très rapidement, et sans avoir à respecter le principe du contradictoire selon lequel la partie adverse doit être préalablement informée, ce qui l’aurait incité à dissimuler tout actif qu’elle souhaitait ne pas rembourser le cas échéant.
La plainte pénale : une action collective déterminante
Les investisseurs nous faisaient ainsi confiance et dès le 6 décembre 2021, une plainte simple était enregistrée en leur nom, entre les mains du Procureur de la République. D’autres victimes se joignaient ensuite à eux.
Notre Cabinet était ainsi le premier Cabinet d’avocats à dénoncer ces faits entre les mains du Procureur.
Très vite, les services du Procureur se sont mobilisés sur ce dossier. Le Procureur a décidé d’ouvrir une enquête, puis une information judiciaire était confiée à un Juge d’Instruction qui recueillait d’autres plaintes.
Arrestation du principal suspect : une victoire internationale
Grâce à une formidable entraide internationale des services français et colombiens, les enquêteurs mettaient la main, un an plus tard, sur l’animateur principal de l’affaire, qui avait trouvé refuge en Colombie.
Le 13 août 2024, la presse révélait que le principal suspect avait été ainsi extradé vers la France, après être resté détenu à titre provisoire à Bogota pendant dix-huit mois. Il sera placé en détention provisoire à son arrivée.
Le déroulement de l’enquête : prochaines étapes
Le Juge d’Instruction devrait prochainement interroger le principal suspect et le confronter aux éléments du dossier qu’il aura pu réunir depuis sa saisine.
Le principal suspect sera assisté d’un avocat et pourra avoir ainsi accès aux éventuelles charges qui pèseraient sur lui, pour s’en défendre.
Ce qui lui serait reproché, sous réserve que les faits soient établis, est d’avoir mis en place un faux système d’investissement, comparable à la pyramide de Ponzi.
La pyramide de Ponzi : un schéma d’escroquerie bien connu
C’est un montage financier frauduleux mis en place par Charles PONZI dans les années 1920, aux États-Unis, qui consiste à verser les intérêts alléchants aux premiers investisseurs, avec leurs fonds, en leur faisant croire que leur placement est ainsi très rémunérateur et garanti, pour qu’ils convainquent d’autres investisseurs de faire comme eux.
Les fonds ainsi levés ne sont en réalité jamais placés, permettant ainsi à l’auteur du montage de financer son propre train de vie, souvent très confortable, parfois ostentatoire. L’affaire s’arrête, comme pour Monsieur Bernard MADOFF, lorsque les investisseurs réclament le remboursement de leur capital.
Dans la présente affaire, les fonds étaient en outre bloqués pendant plusieurs années, préservant l’animateur de toute poursuite pendant ce temps. En effet, les investisseurs ne pouvaient demander que le versement des intérêts, ce qui n’est pas le plus difficile à faire, si de nouveaux investisseurs acceptaient d’ « investir », ce qui n’a plus été le cas après le dépôt de la plainte.
La plainte pénale a donc eu aussi pour mérite d’empêcher de nouvelles victimes et mettre fin à ce système.
Confidentialité et présomption d’innocence : des principes essentiels
Notre Cabinet d’avocats rappelle qu’il est soumis au secret de l’instruction et qu’il ne communiquera aucune information sur le fond du dossier.
Notre Cabinet d’avocats rappelle que toute personne décrite dans le présent article est présumée innocente et que le présent article a été rédigé afin de préserver cette présomption.
Conseils pratiques pour éviter les arnaques financières
Nous vous conseillons de bien lire les documents qui vous sont soumis lors de votre investissements. Méfiez-vous des usurpations, des personnes qui se réclament de grandes compagnies d’assurances ou de banques ; elles ne démarchent pas.
Méfiez-vous des investissements trop alléchants, des jeunes sociétés inconnues, des commerciaux trop insistants.
Levez un extrait Kbis auprès du Registre du Commerce et des Sociétés pour quelques euros, et même un état des inscriptions et nantissements pour quelques dizaines d’euros pour connaître le taux d’endettement de la société de placement.
Vérifiez ses assurances et accréditations. N’hésitez pas à solliciter les conseils d’un professionnel du droit ou même à interroger l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) ou à consulter le registre tenu par l’ORIAS.
En cas du moindre doute, abstenez-vous. Vous regretterez peut-être d’être passé à côté de confortables intérêts promis, mais vous conserverez votre capital. Car maintenant, certes, la procédure suit son chemin, mais pouvons-nous garantir que les victimes seront intégralement indemnisées ? Cela dépendra évidemment des fonds que les enquêteur auront pu identifier et saisir d’ici la fin de l’instruction toujours en cours.
Par Laurent Meillet
Le 09 septembre 2024
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