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À la demande des praticiens de la procédure civile, le Gouvernement a adopté plusieurs mesures de simplification de la procédure civile par Décret n°2024-673 du 3 juillet 2024.

Il faut en retenir que l’audience de règlement amiable (ARA) est étendue (I), que les pouvoirs du Juge de la Mise en État sont modifiés et complétés (II) et que cette petite réforme entre en vigueur dès le 1er septembre 2024 et s’appliquera même aux instances en cours (III).

 

I – EXTENSION DE L’« ARA »

Ce Décret étend, tout d’abord, l’audience de règlement amiable aux litiges relevant de la compétence du Juge des Loyers commerciaux et du Tribunal de commerce ou aux Chambres commerciales des Tribunaux judiciaires du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Pour faciliter et accélérer le règlement des litiges contentieux civils, l’audience de règlement amiable (ARA) a été introduite dès 2023 dans les procédures écrites ordinaires et de référés devant le Tribunal judiciaire (article 774-1 et suivants du Code de procédure civile.

Les parties mais également le juge saisi (Juge du fond, Juge de la Mise en État ou Juge des Référés) peuvent y recourir.

Si la juridiction ordonne aux parties de recourir à l’« ARA », elles ne peuvent s’en dispenser ; en effet, la décision ordonnant la mise en place d’une « ARA » est une simple mesure d’administration judiciaire, donc insusceptible d’appel.

C’est alors un autre juge qui, par la voie du greffe, va convoquer les parties et tenir l’audience de règlement amiable, sans que la juridiction initialement saisie ne soit dessaisie de l’instance.

L’« ARA » constitue ici une nouvelle cause d’interruption de l’instance et d’interruption du délai de péremption de l’instance. En cas d’échec de règlement amiable, un nouveau délai de prescription de l’action et de péremption de l’instance recommence à courir à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juridiction saisie du litige.

Les parties sont tenues de comparaître en personne et ont la possibilité d’être assistées par un avocat, sauf motif légitime.

Ce qui est dit, écrit ou échangé au cours de l’audience de règlement amiable, par le juge et par les parties, est confidentiel, sauf accord contraire des parties et dans certains cas liés à l’ordre public. Mais bien évidemment, l’accord qui peut intervenir entre les parties, peut être révélé si elles y consentent.

Le juge de l’« ARA » peut connaître le dossier, les pièces et l’argumentaire de chaque partie. Il fixe le calendrier et la durée de la mission de règlement amiable. Son rôle est donc entre la conciliation et la médiation ; il peut entendre séparément les parties.

Sa mission a pour finalité la résolution amiable du différend opposant les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, en tenant compte des positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige. Il peut aussi procéder à des constatations, évaluations, appréciations ou reconstitutions qu’il estime nécessaires, en se transportant si besoin sur les lieux.

Le juge chargé de l’« ARA » pouvant y mettre fin à tout moment, est investi d’importants pouvoirs. En effet, il peut connaître de tous les échanges entre les parties qu’elles auraient peut-être conservé confidentiels devant la juridiction saisie. Il va pouvoir dire aux parties le droit, sans trancher le litige. C’est un office nouveau du juge, sans doute très appréciable pour départager deux parties et leurs conseils respectifs, mais les tribunaux auront-ils suffisamment de juge pour mettre en place ces « ARA ».

En cas d’accord entre les parties, les parties peuvent demander au juge chargé de l’« ARA », assisté du greffier, de constater leur accord (total ou partiel). Ensuite, le juge informe la juridiction saisie du litige de la fin de l’audience de règlement amiable et lui transmet le procès-verbal d’accord.

 

II – LES POUVOIRS DU JUGE DE LA MISE EN ÉTAT ET LES FINS DE NON-RECEVOIR

Le Décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 est censé clarifier le régime des fins de non-recevoir tout en assouplissant leur traitement procédural par le Juge de la Mise en État

 

Les pouvoirs du Juge de la Mise en État

Avec cette réforme, le Juge de la Mise en État va pouvoir, dans certains cas, renvoyer l’examen d’une fin de non-recevoir devant la formation de jugement. C’était une demande de la communauté judiciaire qui se plaignait du rallongement des procédures avec les incidents soulevés.

La procédure démontre qu’était utile l’idée initiale de placer au cours de son instruction, un juge spécialisé susceptible de juger des exceptions de nullité ou de procédure, et des fins de non-recevoir, sans attendre que la juridiction du fond ne s’en saisisse. Mais en pratique, le cours des procédures s’est considérablement allongé, parfois de manière dilatoire, au détriment bien souvent du demandeur à l’instance.

Ce délai est encore allongé en cas d’appel, suscitant la prise de conclusions afin d’incident de sursis devant la juridiction de premier degré. De la simplification, on parvient à compliquer la procédure au préjudice du justiciable qui voit se multiplier les diligences de son Conseil qu’il doit régler.

C’est la raison pour laquelle le décret modifie également la liste des ordonnances du Juge de la Mise en État susceptibles de faire l’objet d’un appel immédiat en y excluant celles qui, en statuant sur une exception de nullité, une fin de non-recevoir ou un incident d’instance, ne mettent pas fin à l’instance.

 

Les fins de non-recevoir

Le Juge de la Mise en Etat est compétent pour statuer sur les exceptions d’incompétence, les exceptions de connexité, les exceptions de litispendance, les exceptions dilatoires, les exceptions de nullité, les fins de non-recevoir ou les incidents d’instance mettant fin à l’instance.

 

III – ENTRÉE EN VIGUEUR ET CONSEILS PRATIQUES

À compter du 1er septembre 2024

Cette réforme entre en vigueur le 1er septembre 2024, et s’applique aux instances en cours

Actuellement, en vertu des dispositions de l’article 789 alinéa 6 du Code de procédure civile, « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir. »

À compter du 1er septembre 2024, s’il estime que la complexité de la fin de non-recevoir soulevée devant lui ou en fonction de l’état d’avancement de la procédure le justifie, le Juge de la Mise en État pourra décider que la fin de non-recevoir sera tranchée par la juridiction statuant au fond. Sa décision ne sera pas susceptible d’appel, comme étant une simple mesure d’administration judiciaire.

 

Conseils Pratiques

Le législateur prévoit de faire évoluer la procédure civile par petites réformes successives, plus facilement assimilables.

En tant que praticiens de la procédure civile, nous vous conseillons d’accepter l’« ARA » : certes, vous aurez l’impression de rallonger l’issue de votre procès, mais vous en tirerez les plus grands profits, que vous parveniez ou non à un accord, d’autant que, contrairement à la médiation, l’« ARA » n’est pas onéreuse.

Même si le Juge de la Mise en État peut renvoyer la fin de non-recevoir devant la juridiction saisie au fond, vous devez la soulever devant lui, sans attendre son dessaisissement.

Attention, cette réforme affaiblit l’ordonnance de clôture puisque la mise en place de l’« ARA » peut être envisagée même après qu’elle a été prononcée et constitue même une cause de sa révocation.

De même, lorsque leur cause survient ou est révélée après l’ordonnance de clôture, sont recevables les exceptions de procédure, les incidents d’instance, les fins de non-recevoir et les demandes formées en application de l’article 47 (exception d’incompétence territoriale au profit d’un magistrat ou auxiliaire de justice partie au procès), peuvent être soulevées après l’ordonnance de clôture, ce qui entrainera sa révocation et rallongera encore l’issue du procès.

 

Par Laurent Meillet
Le 15 juillet 2024

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