Extrait d’un jugement administratif concernant l’annulation de nationalité française

Dans cet article, nous vous guidons à travers les étapes juridiques essentielles pour conserver vos papiers d’identité français pendant un recours en annulation de nationalité. Découvrez les outils juridiques comme le référé-liberté, les arguments indispensables à avancer et les stratégies pour faire face aux décisions préfectorales ou judiciaires dans des délais souvent très contraints.

Lorsqu’une décision administrative ou judiciaire remet en question la nationalité française d’une personne, les conséquences peuvent être drastiques : obligation de restituer ses papiers d’identité, perte de ses droits fondamentaux, et risque d’expulsion du territoire. Cette situation, bien que rare, soulève des enjeux cruciaux liés à la protection des libertés fondamentales et au droit de recours.

Suivez les conseils pratiques de nos experts pour préserver vos droits et sécuriser votre situation administrative en France.

Les faits

Notre client est né en 1997 au Pakistan. Courageux, il arrive en France, seul, sans famille, à l’âge de 14 ans. Il est pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance et poursuit sa scolarité. À 20 ans, il souscrit une déclaration de nationalité française devant le greffier du Tribunal de Grande Instance de VANNES, en vertu des dispositions de l’article 21-12 du Code civil.

Il se met rapidement à travailler et gagne honorablement sa vie, sans aucune aide financière de l’État. Il retourne fréquemment au Pakistan et décide de s’y marier avec une compatriote. De son union, nait une petite fille le 2 septembre 2024.

La procédure

Pour envisager la venue en France de son épouse et de sa fille, notre client entame des démarches en France et sollicite une copie intégrale de son acte de naissance légalisé. La copie intégrale, à la différence du simple extrait d’acte de naissance, porte en marge les mentions de changement d’état civil et notamment de nationalité. On appelle ces mentions, les mentions marginales, car inscrites en marge de l’acte de naissance.

Il découvre fin septembre 2024 qu’a été transcrit sur son acte de naissance, en mai 2024, un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS, six ans auparavant, en août 2018. Or, ce jugement annule sa déclaration de nationalité enregistrée par le greffe en 2017. Dès lors, notre client se retrouve étranger sur le territoire français. Il est donc en situation irrégulière puisque sans titre de séjour. Son employeur se retrouve dans l’illégalité parce que faisant travailler un étranger en situation irrégulière.

Craignant d’être arrêté et reconduit à la frontière, notre client se précipite à notre Cabinet.

Voici les étapes à suivre pour conserver ses papiers d’identité français.

Les démarches à suivre face à une annulation de nationalité

Sur nos conseils, il fait immédiatement appel du jugement devant la Cour d’appel. Mais n’est-il pas trop tard, six ans après le jugement ? Tout dépend de la procédure suivie, et notamment des conditions de sa citation en justice, qui a dû lui être délivrée en 2018. En effet, c’est le Procureur de la République qui est à l’origine de la procédure en annulation de sa déclaration de nationalité.

Considérant que la citation a été délivrée à une mauvaise adresse, nous formons un appel nullité à l’encontre du jugement, en considérant que les délais d’appel n’ont pas pu courir contre notre client comme n’ayant pas été portés à sa connaissance à la bonne adresse. Nous vous renvoyons à notre article « Quand les délais de recours ne courent pas »

Qu’est-ce qu’une déclaration de nationalité ?

C’est un mécanisme prévu par l’article 21-12 du Code civil qui permet à un enfant, dans certaines conditions, d’obtenir la nationalité française, par déclaration au greffe du Tribunal judiciaire de son domicile. Les cas d’ouverture sont les suivants pour :

  • L’enfant qui a fait l’objet d’une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu’à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants du Code civil, qu’il réclame la qualité de français, pourvu qu’à l’époque de sa déclaration il réside en France. Toutefois, l’obligation de résidence est supprimée lorsque l’enfant a été adopté par une personne de nationalité française n’ayant pas sa résidence habituelle en France ;
  • L’enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l’Aide Sociale à l’Enfance ;
  • L’enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d’État.

Mais notre client reçoit alors une mise en demeure du Préfet, datée du 22 novembre 2024, lui imposant de se présenter en personne à la Préfecture le vendredi 20 décembre 2024, pour restituer sa carte nationale d’identité française et son passeport français. Il est alors convaincu que s’il se présente, il sera immédiatement reconduit à la frontière et renvoyé au Pakistan.

Former une requête au fond devant le Tribunal administratif aux fins d’annulation de la décision de restitution des papiers français prise par le Préfet

Il est quand même curieux de relever que le jugement date d’août 2018 et n’a été transcrit qu’en mai 2024. Et curieusement, c’est après la déclaration d’appel du 4 octobre 2024 que le Préfet a pris une décision de restitution le 22 novembre 2024 qui doit être exécutée le 20 décembre 2024.

Mieux, dans sa décision, le Préfet prend soin de préciser que si notre client ne se présente pas le 20 décembre 2024 à la Préfecture pour restituer ses titres d’identité français, ceux-ci seront néanmoins invalidés et qu’il fera l’objet d’une inscription sur le fichier des personnes recherchées.

Que faire ? Certes, l’appel du jugement civil annulant la déclaration de nationalité est suspensif. Est dit suspensif un recours qui empêche d’exécuter une décision tant qu’elle n’est pas définitive.

Mais la décision administrative du Préfet est exécutoire.

Nous formons une requête au fond devant le tribunal administratif pour demander en conséquence l’annulation de cette décision.

Cependant, le temps que le dossier soit jugé – dans au moins un an – il sera trop tard, le Préfet aura exécuté sa décision et notre client sera expulsable par les services de police.

Une invalidation des titres d’identité interdirait à notre client de voyager. Notre client ne voulait évidemment pas être inscrit parmi les personnes recherchées, d’autant qu’il travaille toujours et officiellement depuis des années dans la même entreprise. Il aurait été facilement retrouvé et expulsé du territoire français. Une expulsion mettrait en péril toute possibilité de revenir sur le territoire français et peut-être même sa procédure d’appel.

C’est dans ces conditions que nous avons eu recours au référé-liberté.

 

Vous avez des questions sur les étapes à suivre pour conserver ses papiers d’identité français ?

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Présenter une requête aux fins de référé-liberté devant le juge des référés du Tribunal administratif

Le référé-liberté n’est pas comme on pourrait le penser, une procédure administrative réservée pour obtenir sa remise en liberté, lorsqu’on est en détention provisoire.

C’est une procédure de référé, donc rapide, qui permet au juge administratif de prendre en urgence les mesures nécessaires pour préserver l’exercice d’une liberté fondamentale, telle la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion, la liberté d’expression, etc., en cas d’atteinte grave et manifestement illégale de l’autorité publique.

Les conditions indispensables pour introduire un référé-liberté devant le juge administratif :

Il faut justifier des conditions cumulatives suivantes :

  • de la nécessité d’une décision urgente du juge administratif. Dans notre cas, nous justifions de la nécessité d’une décision avant le 20 décembre 2024. Notre requête a été déposée le 12 décembre et le juge a fixé l’affaire à l’audience du 16 décembre 2024,
  • une atteinte grave, manifestement illégale, à une liberté fondamentale protégée par la loi, par la Constitution ou par une convention internationale telle que la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales dite Convention Européenne des Droits de l’Homme,

Nous avons développé les arguments suivants :

Sur l’urgence

Aucune décision de justice n’avait été publiée pour un tel cas. Notre Cabinet a su néanmoins exploiter une seule décision de justice rendue dans un cas presque similaire pour lequel le Conseil d’État avait estimé qu’était remplie en cas de perte de papiers d’identité français, la condition de l’urgence exigée par l’article L.521-2 du Code de justice administrative.

Nous avons prouvé que le Préfet avait rendu le 22 novembre 2024 une décision emportant obligation de restitution des papiers d’identité français le vendredi 20 décembre 2024. La requête déposée le 12 décembre 2024 justifiait ainsi de l’urgence.

Sur l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale

Nous avons alors soutenu que notre client ne pourrait plus justifier, après restitution de ses papiers d’identité français, et en cas de contrôle, d’un titre de séjour en qualité d’étranger. Il n’aurait également plus la possibilité d’effectuer les actes de la vie courante. En cas de retrait de ses papiers d’identité français, notre client serait également contraint de renoncer à exercer, de ce fait, son activité professionnelle et serait dépourvu de ressources financières pour subvenir à ses besoins.

Il ne pourrait plus voyager notamment pour rendre visite à son épouse et sa fille. Il ne pourrait plus rechercher les documents nécessaires pour assurer sa défense, dans la perspective de la procédure pendante devant la Cour d’appel de PARIS.

Nous avons soutenu que la décision de retrait des titres prise par le Préfet, auquel il avait été indiqué que le jugement du Tribunal de Grande Instance de PARIS était frappé d’appel. Dès lors, l’appel du jugement de 2018 devait être suspensif de toute exécution et privait selon nous en principe de tout fondement juridique la décision administrative ordonnant la restitution des titres d’identité français.

Nous avons également soutenu que cette décision portant restitution des papiers d’identité français, voire l’inscription de notre client sur le fichier des personnes recherchées, portait une atteinte grave et manifestement illégale à sa liberté personnelle et à sa liberté d’aller et venir.

La liberté d’aller et venir est une liberté fondamentale, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

Notre Cabinet a également soutenu que constituait également une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du Code de justice administrative, le droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, protégé par la Constitution et par les articles 6 et 13 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.

Enfin, constitue une liberté fondamentale celle de pouvoir travailler. En cas de restitution de ses papiers d’identité français, notre client serait contraint de renoncer à exercer, de ce fait, son activité professionnelle et être dans l’incapacité de subvenir financièrement à ses besoins vitaux.

Qu’a décidé le juge administratif, statuant en référé ?

La Présidente du Tribunal administratif a non seulement suspendu l’exécution de la décision du Préfet du 22 novembre 2024 mettant notre client en demeure de restituer, le 20 décembre 2024, sa carte nationale d’identité et son passeport, mais également enjoint au Préfet de s’abstenir de procéder à l’invalidation de ces titres et de l’inscrire au fichier des personnes recherchées tant que la Cour d’appel de Paris n’aura pas statué sur l’appel formé le 4 octobre 2024 contre le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS en 2018 (Ordonnance TA Rennes, 17 décembre 2024, n°240740).

Le juge des référés ne dit rien d’autre finalement que l’autorité administrative doit surseoir à toute mesure de restitution, tant que l’appel civil est en cours.

Il nous a paru intéressant de rappeler l’usage d’un référé-liberté dans un tel cas, n’ayant fait l’objet d’aucune décision de justice publiée.

Après, nous devrons démontrer à la Cour d’appel de PARIS que le jugement d’annulation de la déclaration de nationalité est entachée d’erreur de droit. C’est une autre procédure.

Conseils pratiques :

  • La forme : vous n’avez pas besoin de recourir à l’assistance d’un avocat, mais nous vous le recommandons vivement.
  • L’urgence : pour que cette affaire soit plaidée avant le vendredi 20 décembre 2024, date de la restitution des titres d’identité, notre collaborateur a insisté auprès du greffe sur le caractère extrêmement urgent de la requête déposée le 12 décembre 2024.

La requête a été immédiatement enregistrée par le greffe et le Président du Tribunal administratif a fixé audiencé cette affaire, compte tenu de l’extrême urgence, à l’audience du 16 décembre 2024. Saluons ici la célérité de la justice.

  • Le fond : vous devez nécessairement demander la suspension de l’exécution de la décision administrative critiquée et demander au Tribunal administratif d’enjoindre à l’autorité administrative de s’abstenir de procéder à l’invalidation des papiers d’identité français et de toute inscription au fichier des personnes recherchées jusqu’à ce que la Cour d’appel statue sur votre recours à l’encontre du jugement annulant votre déclaration de nationalité.
  • Les délais de recours : c’est le greffe du Tribunal administratif qui notifiera l’Ordonnance du Juge à l’autorité administrative, sans frais pour vous, en rappelant le délai d’appel de 15 jours.
  • Les voies de recours : vous pouvez faire appel contre l’Ordonnance de rejet dans un délai de 15 jours devant le Conseil d’État qui devra se prononcer dans un délai de 48 heures.

 

Par Sabry Ibourichene et Laurent Meillet

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