procédure de partage judiciaire

Quand doit-on recourir au partage judiciaire ? Comment se déroule la procédure ? Quelles sont les règles à connaître et les pièges à éviter ?

Dans la majorité des successions, le partage se fait de manière concertée entre les héritiers.

Le partage amiable

Le partage amiable sans notaire

Le partage ne doit se faire en principe qu’après avoir établi les comptes et liquidé, c’est-à-dire chiffré le patrimoine (dettes comprises) des époux pour déterminer la valeur de la part devant revenir à la succession de celui qui vient de décéder.

On appelle cela les opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, lesquelles permettent d’établir l’actif et le passif de la succession (comptes), les droits de chacun des héritiers (liquidation) et la répartition des biens entre eux (partage).

Le partage amiable avec notaire

Quand la succession comporte un bien immobilier, les héritiers doivent nécessairement faire appel à un notaire qui se chargera d’établir un acte de notoriété après décès, c’est-à-dire la preuve par la commune renommée de leur qualité d’héritiers du défunt. Il fera signer aux parties un procès-verbal d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession.

Ensuite, le notaire fera les comptes, déterminera l’actif et le passif de la succession, les éventuelles donations à rapporter et enregistrera la volonté des héritiers de rester en indivision sur un même bien ou au contraire, d’en sortir en attribuant à l’un des héritiers le bien et aux autres le montant d’une somme d’argent appelée soulte, pour compenser leurs droits dans la succession.

Après signature de l’acte liquidatif de succession, le notaire établira enfin les attestations de dévolution successorale, qui établissent que vous êtes devenu propriétaire par voie de succession. Ces attestations seront publiées au Cadastre ou au Livre foncier dans les 3 départements d’Alsace-Moselle (Bas-Rhin/Haut-Rhin/Moselle) et vous serez ainsi aux yeux des tiers le nouveau propriétaire avec tous les droits attachés à cette qualité.

Le partage amiable suppose donc en principe que tous les héritiers d’une personne décédée soient d’accord pour régler la succession et sortir de l’indivision successorale, c’est-à-dire de la situation juridique née de la succession qui rend plusieurs personnes propriétaires indivis, ou indivisaires ensemble d’un même bien.

La partage amiable avec un mandataire successoral

Si un des indivisaires est défaillant, un autre indivisaire peut le mettre en demeure par voie de commissaire de justice (naguère dénommé « huissier de justice »), de désigner dans un délai de trois mois, un mandataire pour le représenter au partage amiable.

Avec l’autorisation préalable du juge

À défaut de désignation d’un mandataire dans ce délai, chacun des autres indivisaires peut demander au juge de désigner un mandataire successoral qui représentera l’indivisaire défaillant jusqu’à la réalisation complète du partage auquel le mandataire ne pourra consentir qu’avec l’autorisation du juge (article 837 du Code civil). Cela reste un partage amiable, sous autorisation judiciaire.

Le partage judiciaire

Mais en cas de désaccord sur le partage des biens, l’héritier le plus diligent saisira le juge en citant en justice par voie d’assignation, tous les autres héritiers.

L’assignation en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage

Le contenu de l’assignation

À peine de voir votre demande déclarée irrecevable, votre assignation, après avoir exposé les moyens de droit et de fait, devra contenir un descriptif sommaire du patrimoine du défunt, la répartition des biens que vous souhaitez et la preuve des tentatives de partage amiable que vous avez entreprises.

La représentation obligatoire

L’héritier doit obligatoirement être représenté par un avocat inscrit dans un Barreau du ressort du tribunal compétent. Il peut se faire assister par n’importe quel avocat inscrit dans n’importe quel Barreau de France, qui aura son confiance et qui rédigera l’assignation, l’argumentation en réponse à celles des défendeurs, et qui pourra même plaider le dossier. Mais, néanmoins, un avocat du ressort du tribunal compétent devra se constituer sur l’assignation.

Le tribunal compétent

Le tribunal que vous devez saisir est le tribunal judiciaire dans le ressort ou périmètre duquel est situé le dernier domicile du défunt.

Contrairement à ce qui est répandu, ce n’est pas le lieu du décès qui rend compétent le tribunal, mais le lieu du dernier domicile du défunt avant de mourir.

Qu’en est-il s’il était hospitalisé ou en maison de retraite avant son décès ? Si le défunt a été hospitalisé, on considère que son dernier domicile reste là où il demeurait avant son hospitalisation. S’il a quitté son domicile pour s’installer définitivement dans une maison de retraite ou un EPHAD (Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes), on considère que son dernier domicile sera celui de la maison de retraite ou de l’EPHAD.

Le jugement d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession

Bien souvent, les cohéritiers s’opposent au règlement de la succession et souhaitent que le tribunal, à ce stade, statue sur un certain nombre de difficultés, comme la réintégration des donations indirectes ou des dissimulations de donations qui peuvent dans certains cas s’apparenter à un recel successoral.

Pendant très longtemps, le tribunal statuait sur ces difficultés avant de désigner un notaire, qu’on appelle alors un notaire commis, car commis au partage.

Mais les parties déçues pas la décision, pouvaient alors en relever appel, ce qui retardait les opérations de comptes, liquidation et partage confiées au notaire commis, lequel attendait souvent la décision de la Cour d’appel pour poursuivre ses opérations.

Pendant longtemps, on estimait que le juge était tenu de trancher les difficultés qui lui était soumises, et qu’en vertu des dispositions de l’article 4 du Code civil, il ne pouvait se dessaisir et déléguer cette tâche au notaire commis.
Mais en statuant ainsi, forcément de manière parcellaire, avant même que les parties aient pu présenter leurs éléments au notaire, le juge rendait les opérations plus compliquées et son premier jugement était source de recours sans fin.

Nous étions nous-mêmes critiques envers cette jurisprudence qui imposait quasiment que le juge statue sur tous les points de divergences entre les héritiers, avant même que le notaire ne se saisisse du dossier, et dévalorisant ainsi le rôle du notaire dont c’est une de ses compétences.

Avant que ne s’ouvrent les opérations de comptes, liquidation et partage, de très nombreux mois de procédure s’écoulaient, émaillés de plusieurs jeux de conclusions.

En réalité, nous avons toujours considéré que le tribunal, à ce stade, ne devait que faire droit à la demande d’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession, objet de l’assignation, en commettant un notaire pour y procéder, sous le contrôle d’un juge commis également au partage.

Et ce n’est qu’après l’établissement d’un projet d’état liquidatif et d’un éventuel procès-verbal de difficultés ou de carence, que les parties étaient recevables à soutenir leurs difficultés devant le juge commis au partage, tel que désigné au terme du premier jugement dit d’ouverture des opérations de comptes, liquidation, partage (articles 1373, alinéas 1 et 2, et 1375, alinéa 1er du Code de procédure civile).

Petit à petit la jurisprudence a évolué pour que le tribunal tranche d’emblée les difficultés d’une succession dont les opérations ne sont pas encore ouvertes par le notaire commis. Que dire si, en ordonnant l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage, le tribunal fixe, à la demande d’une partie, la valeur d’un bien alors que cette valeur doit être la plus proche du partage (article 829 du Code civil) ? En réalité, cette évolution ne tenait pas compte de la spécificité du partage judiciaire (articles 1364 à 1376 du Code de procédure civile).

La Cour de cassation vient de faire un rappel à l’ordre qui n’a pas beaucoup été commenté.

La Cour de cassation revient sur sa position et rappelle que dorénavant, le tribunal ordonne l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage en commettant un notaire liquidateur, et en renvoyant les parties à rapporter la preuve de leurs difficultés ou de leurs prétentions devant le notaire commis. Ce n’est qu’en cas de difficultés persistantes après établissement du projet d’acte liquidatif, que le notaire commis dressera un procès-verbal de difficultés qu’il transmettra au juge commis, sans qu’il puisse être reproché au tribunal à ce stade un quelconque déni de justice (Civ. 1ère, 27 mars 2024, n°22-13.041).

Telle était la règle autrefois, que dorénavant la Cour de cassation entend appliquer.

Les opérations de comptes, liquidation et partage

Elles se déroulent devant le notaire qui a un an pour réaliser ses opérations qui se terminent par un projet d’acte liquidatif de la succession (article 1368 du Code de procédure civile). Il peut se faire assister d’un expert pour évaluer les biens et rend compte au juge commis des difficultés qu’il rencontre éventuellement.

Il convoque les parties pour signer l’acte liquidatif que le notaire commis leur aura soumis. Si toutes les parties signent l’acte liquidatif, le notaire en informe le juge commis et procède au partage comme il aura été décidé par les héritiers.

Si une partie ne vient pas le jour de la signature de l’acte liquidatif, un procès-verbal de carence est dressé par le notaire commis et transmis au juge commis au partage.

Si une partie fait part de ses observations ou de ses objections qu’elle considère comme l’empêchant de signer le projet d’’acte liquidatif, sur lequel il ne sera plus possible ensuite de revenir, (sauf action en complément de part ou en partage complémentaire), le notaire dresse un procès-verbal de difficultés qu’il transmet aussi au juge commis au partage.

Rôle du juge commis au partage

Le juge commis au partage surveille les opérations de comptes, liquidation et partage de la succession et en cas de procès-verbal de carence ou de difficultés, après avoir recueillies les observations écrites des parties, dresse un rapport pour le tribunal qui statue définitivement sur les difficultés.

Le jugement au fond

Le tribunal statue au fond et tranche toutes les difficultés. Il peut même homologuer le projet d’acte liquidatif ou le rectifier. On peut dire que le tribunal siffle la fin de la récréation puisque les héritiers n’ont pas été capables de s’entendre. Il renvoie les parties une dernière fois devant le notaire.

Rôle du notaire après jugement définitif

Le notaire est alors tenu de procéder au partage comme le jugement le prévoit, sous réserve d’un éventuel recours contre le jugement, même si le désaccord subsiste entre les parties.

Conclusion

En d’autres termes, par un premier jugement sur assignation en ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage d’une succession, laquelle doit notamment contenir les preuves de tentatives de partage amiable, le tribunal ordonne l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage, comme il lui est demandé, en commettant un notaire pour y procéder. Si les parties ne signent pas le projet d’acte liquidatif de la succession qui marque le règlement de la succession, le notaire en avise le tribunal par la voie du juge commis, lequel tranchera définitivement les difficultés et renverra les parties devant notaire pour mise en œuvre du jugement statuant sur le projet d’acte liquidatif.

Conseils pratiques

La multipostulation n’a pas vocation à s’appliquer en matière successorale : un avocat inscrit au Barreau de Paris ne peut donc pas se constituer devant le tribunal judiciaire de Créteil (article 5 alinéa 3 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971).

Le tribunal saisi d’une demande en partage ne peut pas homologuer un état liquidatif établi par le notaire de l’un des copartageants et qui n’aurait pas été désigné par le tribunal comme notaire commis au partage (Civ. 1ère, 11 juillet 2019, n°17-31.091), alors pourtant que les copartageants peuvent à tout moment abandonner la voie judiciaire et poursuivre le partage à l’amiable (article 842 du Code civil).

En effet, soit les copartageants renoncent à la voie judiciaire et s’entendent sur un partage amiable, soit ils ne s’accordent pas sur un partage amiable et doivent s’en remettre au projet d’acte liquidatif du notaire commis qui agit sous l’autorité du tribunal, rendant compte au juge commis au partage des difficultés qu’il peut rencontrer, ce qui n’est pas le cas d’un notaire désigné par l’un ou tous les copartageants, celui-ci n’agissant pas sous l’autorité du tribunal.

Aucune observation ou demande qui n’aurait pas été notée au terme du procès-verbal de difficultés par le notaire, par un « dire » écrit, ne peut plus être soulevée ensuite pour la première fois devant le juge commis, à peine d’irrecevabilité (Civ. 1ère, 1er juin 2017, n°16-19.990). En effet, une telle observation ou demande serait susceptible de modifier les bases de la liquidation de la succession soumise au notaire.

Par Laurent Meillet
Le 14 octobre 2024

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