Dans quel cas un occupant peut-il revendiquer les droits que lui confère un bail écrit qui n’existe pas ou qu’il n’a pas signé ? Un bail non-écrit ou verbal est-il opposable au propriétaire ? Dans quelle situation le bail verbal peut-il être opposé au bailleur ? Peut-on revendiquer un droit au bail qu’on n’a pas signé ? Comment rompre un bail verbal ?
Le bail verbal non signé : droits et opposabilité au propriétaire
La Loi n°89-462 du 6 juillet 1989, qui régit la location à usage d’habitation principale, exige l’établissement d’un contrat de location écrit et signé par les deux parties (article 3).
Cependant, il se peut qu’un propriétaire accepte de loger gratuitement une personne pour lui rendre service, ou à titre onéreux, sans lui faire signer de bail avant son entrée dans les lieux, parce qu’il lui fait confiance.
L’occupant pourra se prévaloir d’un bail oral ou verbal si elle se maintient au-delà de la période prévue, ou y vit ensuite en couple et que son partenaire revendique un droit au maintien dans les lieux en cas de rupture de leur relation sentimentale.
Mais un bail commercial verbal peut être également prouvé.
De même, un bail rural verbal peut être opposé, bien que l’article L.411-4 du Code rural et de la pêche maritime dispose que les contrats de baux ruraux doivent être écrits.
L’occupant doit avant tout être de bonne foi. S’il est entré dans les lieux en accord avec le propriétaire, pour y installer sa résidence principale, il pourra se prévaloir d’un droit au maintien dans les lieux que lui reconnaîtra les juges en vertu d’un bail verbal, en lui accordant les mêmes droits qui résulterait d’un bail écrit conforme aux dispositions :
- de la Loi du 6 juillet 1989 pour les baux à usage d’habitation de la résidence principale,
- des articles L.145-1 et suivants du Code de commerce pour les baux à usage commercial et
- des articles L.411-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime.
Ne peut être considéré de bonne foi et n’aura pas droit à la protection du droit et du juge, le squatter qui est entré par effraction, sans droit ni titre, n’est pas de bonne foi et ne peut revendiquer un droit au bail. Le locataire qui se maintient dans les lieux après une location saisonnière ne pourra pas bénéficier de la protection du droit et du juge, sauf s’il prouve qu’il en a fait sa résidence principale.
Revendiquer un bail non signé : conditions de loyer et opposabilité
La jurisprudence a reconnu l’existence d’un bail verbal, même si le locataire ne paye pas de loyer.
En effet, si le locataire peut prouver qu’il paye un loyer, notamment par des quittances que lui remettrait le bailleur, le bail verbal sera facile à justifier.
Mais le locataire peut s’affranchir du paiement de son loyer. Parfois même il peut en être dispensé par le propriétaire. Beaucoup ne savent pas que le paiement d’un loyer n’est pas obligatoire pour justifier un bail ; il existe des baux gratuits. Le loyer peut même se prévoir en nature comme dans le bail à métayage, par partage de la récolte.
Le bail est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’un bien pendant un certain temps, et moyennant un certain prix appelé loyer (article 1709 du Code civil). La Cour de cassation considère qu’il n’y a pas de convention d’occupation gratuite d’un local (Civ. 3ème, 13 mars 2002, n°00-17.707).
Cependant, dans les faits, l’exemple se rencontre fréquemment : des parents logent gratuitement un de leurs enfants adulte dans une chambre de service. Au décès des parents, les autres enfants revendiquent la réintégration, comme donation indirecte dans leur succession, d’une indemnité équivalent à la période d’occupation et l’enfant logé revendique de son côté son droit au maintien dans les lieux au titre d’un bail verbal s’il en a fait depuis sa résidence principale.
La fixation du loyer dans le cadre d’un bail verbal non signé
En l’absence de preuve du montant convenu du loyer, il vous sera difficile de faire fixer par décision de justice la valeur du loyer ou de l’indemnité d’occupation.
Faites estimer le loyer par des agences immobilières et engagez une procédure en fixation du loyer.
Procédures pour rompre un bail non signé ou verbal
Soit par résiliation prononcée par décision de justice en cas de violation des clauses du bail, mais en l’absence de bail écrit, ce sera difficile de rapporter la preuve de cette violation, sauf en cas de non-paiement d’un loyer convenu.
Soit par congé.
Par définition, le bail verbal ne stipule aucune durée ; il est donc conclu pour une durée indéterminée, nécessairement pour une durée égale à 3 ans minimum pour un bail à usage d’habitation, 9 ans pour un bail commercial ou rural.
En l’absence de départ volontaire du locataire, le congé est le seul moyen de mettre fin au bail verbal (Civ. 3ème, 31 mars 2016, n°14-25.488).
Si un tiers acquiert un bien en connaissance de cause d’une occupation licite, comme logement à usage d’habitation principale, cette occupation l’est pour une durée au moins égale à trois ans, et en absence de congé, ce contrat parvenu à son terme sera reconduit tacitement par périodes triennales (Civ. 3ème, 17 nov. 2021, n°20-19.450).
Calculer le terme et la durée d’un bail non signé : ce qu’il faut savoir
Tous les moyens de preuve de l’occupation sont recevables pour déterminer la date d’entrée du locataire dans les lieux. Si aucune preuve n’existe, ce qui sera rare, vous pouvez alors adresser une lettre recommandée au locataire pour lui réclamer de justifier de son droit à occuper le bien, ou lui réclamer le versement d’un loyer ou de justifier de la souscription d’une assurance-habitation.
Le point de départ du délai de trois ans pour un bail d’habitation, ou 9 ans pour le bail commercial ou rural, commencera alors à courir à compter du jour de la preuve de l’occupation ou de la réception de votre lettre recommandée. Vous pouvez aussi solliciter un commissaire de justice qui établira un constat de l’occupation.
Au plus tard 6 mois avant la fin de la période triennale en cours, vous ferez délivrer, par voie de commissaire de justice, un congé.
Exemple de calcul : vous pouvez prouver que le locataire est entré en 1988, peut-être avec un bail à usage d’habitation que lui aurait consenti votre grand-père, mais comme par hasard, le locataire ne retrouve pas la copie du bail pour ne pas avoir à régler de loyer et vous n’avez jamais pu remettre la main sur l’exemplaire de votre grand-père après son décès. Malgré une sommation interpellative délivrée par voie de commissaire de justice, le locataire refuse de fournir son bail. Considérez alors qu’il est entré le dernier jour de l’année 1988 et ajoutez autant de périodes de trois ans jusqu’à ce jour pour faire délivrer un congé pour le 31 décembre de la fin de la période triennale en cours.
Quel motif de congé ?
Votre congé pour un bail d’habitation doit être motivé par un de ces motifs :
- Si vous, un de vos ascendants ou descendants, souhaitez habiter dans le logement,
- si vous souhaitez vendre le logement vide de toute occupation,
- Si vous souhaitez mettre fin au bail pour un motif légitime et sérieux, comme en cas de non-paiement des loyers ou de défaut d’assurance-habitation,
- En cas d’acquisition du bien occupé
Pour un bail commercial, votre congé doit être délivré pour :
- Absence d’assurance,
- Sous-location des locaux sans autorisation du propriétaire,
- Absence d’exploitation du commerce,
- Non-paiement des loyers.
Pour un bail rural, votre congé doit être délivré pour :
- Faute du locataire en cas de violation des clauses du bail,
- Décès ou départ à la retraite du locataire,
- Volonté du bailleur de reprendre le bail pour laisser un membre de sa famille exploiter les parcelles de terre louées,
- Modification du terrain loué.
En l’absence de ces motifs de résiliation judiciaire, vous pouvez aussi décider de ne pas renouveler le bail commercial ou rural, mais en l’absence de justes motifs, vous vous exposez à verser à votre locataire une indemnité d’éviction.
Tribunal compétent
Pour faire valider votre congé et obtenir l’expulsion de votre locataire, vous devez saisir soit :
- Le Tribunal de Proximité du ressort dans lequel se trouve le logement à usage d’habitation,
- Le Tribunal Judiciaire pour les locaux commerciaux. Dès le 1er janvier 2025, les affaires liées aux baux commerciaux et aux procédures de liquidation judiciaire seront traitées par le Tribunal des Activités Économiques, compétent en la matière.
- Le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour les terres agricoles.
Vous faites face à une revendication de droit au bail non signé ou à l’opposabilité d’un bail à un tiers ? Le Cabinet Talon-Meillet Associés vous accompagne pour protéger vos droits et sécuriser vos transactions.
Prenez rendez-vous avec nos avocats spécialisés pour une consultation personnalisée et des conseils sur mesure.
Opposabilité d’un bail à un tiers
On dit qu’un bail est opposable, lorsqu’il s’impose même aux tiers, aux personnes qui ne l’ont pas signé.
Sort du bail en cas d’adjudication
En cas de transfert de propriété, notamment après une adjudication sur saisie immobilière ou licitation, le bail d’habitation principale est opposable à l’acquéreur à compter du jour où il a acquis date certaine. Lorsqu’il est signé sous seing privé, un bail acquiert date certaine à l’égard des tiers dans les conditions de droit commun (article 1377 du Code civil), c’est-à-dire à compter du jour où l’acte est enregistré, constaté par acte authentique ou à la mort du signataire de l’acte (Civ. 3ème, 9 mai 2019, n°18-16.051).
Un bail à usage d’habitation principale conclu avant la délivrance d’un commandement de payer valant saisie immobilière, s’il a date certaine, est opposable à l’adjudicataire.
Un même bail conclu après la délivrance d’un commandement de payer valant saisie immobilière n’est en revanche pas opposable à l’adjudicataire (article 321-4 du Code des procédures civiles d’exécution).
Attention toutefois, un adjudicataire qui consentirait à la reconduction ou à la poursuite d’un bail à usage d’habitation principale, conclu après la publication d’un commandement valant saisie immobilière, lui est opposable s’il en a eu connaissance avant l’adjudication (Civ. 2ème, 27 février 2020, n°18-02.174).
Le bail à soi-même que se consentirait le propriétaire saisi pour éviter d’être expulsé après la vente aux enchères de son logement, n’aurait aucune valeur et ne pourrait être opposable à personne (article L.321-4 du Code des procédures civiles d’exécution).
Bail consenti au cours de l’indivision
Le bail d’un bien indivis à usage d’habitation principale, consenti par un seul indivisaire représentant moins des deux tiers des droits indivis n’est pas nul, mais inopposable aux autres indivisaires (articles 815-3, 4° et 883 du Code civil).
Ainsi, si le bien loué est alloué à l’indivisaire signataire au terme du partage, le bail se poursuivra, sinon, il sera inopposable (Civ. 1ère, 6 mars 2024, n°22-11.129).
Sort du bail après la vente de gré à gré du bien
En cas de vente de gré à gré, c’est-à-dire hors procédure de vente aux enchères, le bail en cours est opposable à l’acquéreur d’un bien, s’il est antérieur à la vente et possède une date certaine (article 1743 du Code civil).
Il en est de même d’un bail verbal si l’acquéreur en connaissait l’existence antérieurement à l’acquisition du bien.
Toutefois, si l’acte de vente indique que le bien, objet de la vente, est transmis libre de toute occupation, l’acquéreur pourra en principe se prévaloir de l’inopposabilité du bail.
En cas de mariage ou de pacte civil de solidarité
Si un locataire de marie ou conclut un pacte civil de solidarité, au cours du bail à usage d’habitation principale, son conjoint ou son partenaire qui y vit, pourra revendiquer la poursuite du bail, même si le locataire d’origine le dénonce (Civ. 3ème, 19 juin 2002, n°01-00.652) ou décède (article 1751 du Code civil).
Ainsi se crée une cotitularité sous forme d’indivision, opposable au bailleur (Civ. 3ème, 27 janv. 1993, n°90-21.825).
Les conseils pratiques de votre Cabinet, Talon-Meillet Associés
En l’absence de bail écrit, vous pouvez tenter de régulariser la situation en faisant signer un bail écrit au locataire, conforme aux dispositions applicables à chaque type de bail. Certes, vous n’obtiendrez vraisemblablement pas le versement d’un dépôt de garantie ou l’établissement d’un état des lieux d’entrée, mais vous pourrez valider un montant de loyers et de provision sur charges locatives. Vous pourrez même tenter de faire rétroagir le bail à la date d’entrée effective ou convenue, ce qui vous permettra de délivrer plus tôt votre congé si vous voulez mettre fin au bail.
N’essayez jamais de pousser votre locataire à partir, par des moyens non légaux, au risque de vous exposer à des poursuites pénales (article 226-4-2 du Code pénal).
N’oubliez pas que la cotitularité du bail à usage d’habitation comme les cas d’opposabilité ne s’appliquent que pour la résidence principale et non pour une résidence secondaire.
Pour éviter que le locataire d’une location saisonnière se prévale d’un droit au bail, en cas de maintien au-delà de la période de location, en arguant en avoir fait sa résidence principale, demandez-lui la copie de son avis d’imposition et assurez-vous qu’il reconnait au terme du bail de location saisonnière, que votre résidence constitue pour lui, de manière irrévocable, durant toute la période d’occupation, sa résidence secondaire provisoire.
Si vous faites délivrer un congé, n’accordez jamais par écrit un droit au maintien dans les lieux, sans quoi votre locataire pourra prétendre que vous avez renoncé à votre congé et que le bail s’est poursuivi ou s’est tacitement renouvelé.
Par Laurent Meillet
Le 4 novembre 2024
Vous faites face à une revendication de droit au bail non signé ou à l’opposabilité d’un bail à un tiers ? Le Cabinet Talon-Meillet Associés vous accompagne pour protéger vos droits et sécuriser vos transactions.
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