Modifier la clause bénéficiaire d’une assurance-vie, même après acceptation, est une question juridique complexe. La substitution du bénéficiaire en assurance-vie soulève des interrogations sur les conditions de validité et les modalités de mise en œuvre. Cet article explore les règles applicables en 2025, à la lumière de la jurisprudence récente.
Qu’est-ce qu’un contrat d’assurance-vie ?
Un contrat d’assurance-vie est un contrat qui engage un assureur à verser à un bénéficiaire, sous forme de capital ou de rente, l’argent déposé, en cas de décès de l’assuré (ou plus rarement en cas de survenance d’un autre événement déterminé).
C’est donc un contrat pour lequel intervient :
- L’assureur qui s’engage à verser l’argent ainsi épargné au bénéficiaire.
- Le souscripteur qui signe le contrat, verse les primes et choisit le bénéficiaire.
- L’assuré qui est la personne sur laquelle repose l’événement, en général son décès. L’assuré et le souscripteur sont souvent la même personne.
- Le bénéficiaire est celui qui recevra l’argent du contrat d’assurance-vie.
Fonctionnement et régime fiscal du contrat d’assurance-vie
Le souscripteur verse les primes, souvent une importante somme d’argent, puis des versements réguliers de moindre importance, en fonction de ses capacités financières. L’assureur place l’argent ainsi épargné, en général sur des supports peu risqués comme des fonds euros.
Les sommes ainsi placées génèrent des intérêts qui ne sont pas immédiatement imposés. Le souscripteur peut toutefois demander à l’assureur de lui rembourser une partie des sommes déposées ; on parle alors de retrait ou de rachat total ou partiel. Ce retrait donne lieu à imposition des intérêts en fonction de l’ancienneté des versements, avec exonération possible.
En cas de décès de l’assuré, toutes les sommes placées sont versées au bénéficiaire. Comme le bénéficiaire n’est pas nécessairement un héritier de l’assuré, les sommes placées n’entrent pas dans la succession, sous certaines conditions.
La clause bénéficiaire : ce qu’il faut savoir
La clause bénéficiaire est un élément déterminant du contrat d’assurance-vie puisque le souscripteur va ainsi désigner le bénéficiaire des sommes placées, en général au décès de l’assuré.
Cette clause peut prévoir un ou plusieurs bénéficiaires qui se partageront alors les sommes placées, soit sous forme d’un capital, soit sous forme d’une rente.
Soyez vigilant en remplissant cette clause, lors de la signature du contrat d’assurance-vie. Il faut éviter toute ambigüité. Vous ne pouvez pas écrire, par exemple que le bénéficiaire est votre fils ou votre voisin, sans autre précision, si vous avez plusieurs fils ou voisins. Si vous rendez bénéficiaire votre conjoint, ce sera celui qui le sera au jour de votre décès.
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Modifier la clause bénéficiaire : est-ce possible ?
Oui, et c’est le cœur du sujet. Le souscripteur peut modifier à tout moment la clause bénéficiaire, sauf si le bénéficiaire a accepté sa désignation.
Deux questions se posent : comment le souscripteur peut modifier le nom de l’actuel bénéficiaire du contrat d’assurance-vie et peut-il modifier le bénéficiaire après son acceptation ?
Les conditions de substitution de bénéficiaire
La clause de substitution de bénéficiaire permet au souscripteur de désigner un ou plusieurs autres bénéficiaires, en cas de décès du premier bénéficiaire avant l’assuré.
Vous connaissez ce type de formulation : je désigne comme bénéficiaire mon conjoint, à défaut mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, à défaut …
Pour être valide, cette clause doit être rédigée par le souscripteur, lors de la souscription ou ultérieurement, lors de sa modification.
En effet, le souscripteur peut toujours modifier le nom du ou des bénéficiaire(s) de son contrat d’assurance-vie, sauf si le bénéficiaire a régulièrement accepté d’être le bénéficiaire.
Le souscripteur a le droit de substituer un bénéficiaire à un autre, par avenant au contrat, en le notifiant à l’assureur selon les formes de l’article 1690 du Code civil ou par testament (article L.132-8 du Code des assurances).
Cependant, la modification du nom du bénéficiaire d’un contrat d’assurance sur la vie n’est subordonnée à aucune règle de forme (Civ. 1ère, 2 déc. 2015, n°14-27.215).
Le souscripteur peut modifier jusqu’au décès de l’assuré le nom du bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d’une manière certaine et non équivoque (Civ. 2ème, 26 nov. 2020, n°18-22.563).
Mais si le souscripteur modifie la clause bénéficiaire par testament, comment l’assureur peut-il en avoir connaissance ?
Plusieurs décisions de justice garantissaient aux assureurs d’avoir bien exécuté le contrat en versant les sommes placés au bénéficiaire mentionné dans la clause du contrat, dès lors que l’assureur n’avait pas connaissance de la volonté du souscripteur de substituer un bénéficiaire à un autre.
Pourtant, la connaissance par l’assureur de la clause de substitution ou de la modification du bénéficiaire n’est pourtant pas une condition de la validité de la modification opérée.
A l’exception d’une substitution par testament, la justice considérait depuis 2019 que pour être valable, la modification devait avoir été portée à la connaissance de l’assureur, avant le décès de l’assuré. Cette condition évitait ainsi à l’assureur toute erreur de paiement et tout risque de conflit entre le bénéficiaire de la clause du contrat et le bénéficiaire de la modification.
Si cette condition de validité ajoutait à l’article L.132-8 du Code des assurances, elle contrevenait également à l’article L.132-25 du même code. En effet, la connaissance par l’assureur de la substitution n’est qu’une condition de son opposabilité à l’assureur et non de la validité du changement de bénéficiaire.
La Cour de cassation revient sur cette position en rappelant que la désignation d’un bénéficiaire est un acte unilatéral de volonté du souscripteur et la faculté de substitution n’exige ni le concours du bénéficiaire ni le consentement de l’assureur.
La Cour de cassation rappelle que la forme de la substitution est libre, du moment que la volonté du souscripteur est certaine et non équivoque. Opérant un revirement, elle considère dès lors que la connaissance par l’assureur du changement de bénéficiaire n’est pas une condition de validité de ce changement (Civ. 2ème, 3 avril 2025, n°23-13.803).
Sous réserve toutefois que le bénéficiaire n’ait pas accepté la clause.
Les conditions de validité de l’acceptation de la clause par le bénéficiaire
Dès lors que le bénéficiaire accepte officiellement sa désignation, cela crée un droit certain et irrévocable à son profit. En acceptant d’être désigné bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, il devient créancier des sommes placées, sous réserve du décès de l’assuré. Deviennent parties au contrat d’assurance-vie, non seulement le souscripteur et l’assureur, mais aussi le bénéficiaire à compter de son acceptation.
Ainsi, pour changer de bénéficiaire, à compter de son acceptation, le souscripteur devra obtenir le consentement préalable du bénéficiaire.
Mais attention, en pratique, il y a peu de chance qu’une personne bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie donne son consentement pour que le souscripteur modifie la clause pour lui en faisant perdre le bénéfice au profit d’un tiers.
Cependant, vérifiez que l’acceptation de la clause par son bénéficiaire soit formalisée par écrit, avec l’accord exprès du souscripteur et cosignée par l’assureur. À défaut, l’acceptation peut être remise en cause et permettre néanmoins la modification de la clause, même sans le consentement du bénéficiaire.
Conseils pratiques pour les souscripteurs
Nous vous conseillons de ne pas révéler une clause bénéficiaire pour éviter toute tentation d’acceptation par son bénéficiaire à laquelle vous auriez bien du mal à vous opposer.
Nous recommandons aux assureurs de vérifier qu’il n’existe aucune clause dans le testament venant modifier la clause bénéficiaire mentionnée dans le contrat d’assurance-vie.
Prenez soin de bien rédiger toute modification de la clause bénéficiaire par testament.
Notre Cabinet est à votre disposition pour vous conseiller et éviter ainsi tout litige entre bénéficiaires, voire entre bénéficiaires et héritiers.
Par Laurent Meillet
Le 23 avril 2025
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